Recours contre les sentences arbitrales dans le cadre d’un arbitrage CCI tenu à Paris : Revue des nouveautés du droit et de la procédure française après 2011 (Fr)

Lorsqu’un arbitrage international a lieu sous les auspices de la CCI, et lorsque le
siège est à Paris, à moins que les parties prévoient expressément un droit pour régir
spécifiquement la procédure, c’est le droit du siège, c’est-à-dire celui de la France, qui sera
en principe retenu pour régir les questions de procédure, et ce, que les Arbitres ou les
parties soient français ou non.

Les règles françaises de la procédure d’arbitrage sont prévues dans le Code de Procédure
Civile français. Cependant le 1er Mai 2011, le nouveau Décret n°2011-48 de Janvier 2011
entre en vigueur, modifiant certaines règles de procédure ayant été antérieurement adoptées
par le Décret N°81-500 de 1981.

S’agissant des recours contre les sentences arbitrales, la nouvelle loi de 2011 prévoit
certaines nouveautés dans les domaines de l’arbitrage national et international.

I. Dans l’arbitrage national

D’après l’ancienne loi de 1981, l’appel direct d’une sentence arbitrale était la règle et il revenait aux parties d’en prévoir autrement par convention (1). Cela a été complètement inversé dans la nouvelle loi de 2011 : une sentence ne peut faire l’objet d’un appel sauf accord contraire des parties (2).

Un tel appel peut être interjeté dès que la sentence CCI est rendue. Cependant, le délai pour déclencher l’action a été écourté avec la nouvelle loi : le recours n’est maintenant admissible que s’il est engagé dans le mois de la notification de la sentence (3), alors que les parties avaient, sous l’ancienne loi, jusqu’à un mois de la signification de la sentence apposée de l’exéquatur (4) pour ce faire.

Sous l’ancienne loi et sous la nouvelle, l’appel engagé dans les délais suspend l’exécution de la sentence arbitrale (5).

II. Dans l’arbitrage international

La loi de 2011 prévoit de manière non équivoque que le recours en annulation est maintenant la seule action possible contre les sentences arbitrales, lorsque celles-ci sont rendues en France (6). La loi de 1981 prévoyait aussi cette action mais elle n’excluait pas explicitement les autres recours, tel que l’appel (7).

Il est important de distinguer entre l’appel direct d’une sentence arbitrale, qui autorise la Cour d’Appel à modifier la sentence arbitrale qui peut alors demeurer exécutoire, et un recours en annulation qui annule la sentence, ne la permettant donc plus d’être exécutée, et qui ne peut s’engager que sur l’une des bases légales de l’article 1520 du Code de Procédure Civil (8) :

  • 1° Le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou
  • 2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou
  • 3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou
  • 4° Le principe de la contradiction n’a pas été respecté ; ou
  • 5° La reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public international.»

Bien qu’un appel soit toujours possible contre la décision d’une cour accordant ou refusant
l’exéquatur d’une sentence arbitrale, l’appel direct d’une sentence arbitrale est maintenant
expressément prohibé dans le cadre de l’arbitrage international.

Sous l’ancienne loi et sous la nouvelle, le recours peut être engagé dès le prononcé de la sentence (9) cependant, encore une fois, le délai est écourté avec la nouvelle loi : les parties ont maintenant jusqu’à un mois de la notification de la sentence pour interjeter appel (10), alors qu’ils avaient jusqu’au mois de la signification d’une sentence apposée de l’exéquatur auparavant (11). Dans l’arbitrage international, une sentence doit être dûment signifiée selon la procédure française, et notamment par l’entremise d’un huissier français.

Une nouveauté importante qu’apporte la nouvelle loi est que ni le délai, ni l’introduction d’un recours en annulation ne suspendent l’exécution de la sentence (12), ce qui était jadis le cas sous la loi de 1981 (13). Ceci est tempéré par l’autorité du juge d’appui (14) à suspendre ou fixer des conditions d’exécution s’il considère que les droits de l’une des parties risquent d’être sérieusement lésés.

Deux remarques additionnelles concernant l’appel / le recours en annulation :

Règles transitoires

Sur la question de laquelle de l’ancienne ou la nouvelle loi détermine les recours disponibles contre une sentence arbitrale, l’Article 3 du Décret de 2011 prévoit que :

  1. Dans le cadre de l’arbitrage national, la nouvelle règle qui inverse la précédente prévoyant l’appel de droit et le recours en annulation en exception, ne s’applique que si la convention d’arbitrage date d’après le 1er Mai 2011 (date d’entrée en vigueur du Décret) ; En conséquence, si la convention date d’après le 1er Mai 2011 un appel direct de la sentence arbitrale n’est possible que si les parties en convienne, mais si elle date d’avant le 1er Mai 2011, l’appel sera permis, sauf accord contraire des parties.
  2. La nouvelle règle prévoyant qu’un appel ou un recours en annulation ne puisse suspendre l’exécution d’une sentence dans le cadre d’un arbitrage international s’applique que si la sentence arbitrale a été rendue après le 1er Mai 2011. Ainsi, si une sentence arbitrale est rendue après le 1er Mai 2011, le délai pour engager un recours en annulation, ou l’appel (d’une décision accordant ou refusant l’exéquatur et non de la sentence elle-même) ne suspendra pas l’exécution, mais cela sera le cas si elle est rendue postérieurement à cette date.
  3. Mis à part quelques exceptions dans les règles transitoires, toutes les dispositions de la loi de 2011 s’appliquent dès le 1er Mai 2011. En conséquence, les nouveaux délais écourtés pour engager les recours, i.e. venant à terme le mois suivant la notification de la sentence, s’applique dès le 1er Mai 2011 dans le cadre de l’arbitrage national et international. Ainsi, indépendamment de quand la convention d’arbitrage a été conclue, de la date de la sentence arbitrale, ou de la date de constitution du tribunal, les parties n’ont maintenant que jusqu’au mois de la notification de, non plus d’une sentence exéquaturée (qui prendrait plus de temps à obtenir), mais d’une simple sentence arbitrale, pour engager leur recours.

Notification et signification de la sentence arbitrale

Quand est-ce qu’une sentence arbitrale est-elle dûment notifiée : la signification (par
huissier) est-elle requise ou est-ce qu’une simple notification peut suffire ? La question est
importante pour établir le point de départ du délai d’un moi pour intenter un recours.

La distinction a aussi une grande importance au vue du fait que la signification à une partie résidant à l’étranger augmente nécessairement le délai pour intenter un recours de 2 mois (15), accordant ainsi à la partie adverse 3 mois pour engager l’action en annulation dans le cas de l’arbitrage.

La simple notification, cependant, n’impose pas ce «délai de distance». De plus, il revient encore à la jurisprudence d’en spécifier la forme et le contenu. Cette procédure est donc moins contraignante.

La loi antérieure de 1981 ne permettait qu’une seule forme de notification dans le cadre des arbitrages nationaux et internationaux : la signification par voie d’huissier (16). La simple notification n’était pas une option.
Les règles de 2011 sont quelque peu plus souples, permettant aux parties d’opter pour la notification simple dans certains cas :

a/ L’arbitrage International

Dans l’arbitrage international, la notification doit se faire par voie de signification par huissier, sauf convention contraire des parties (17).

La question qui se pose alors est : quand peut-on considérer que les parties ont convenues
de procéder par simple notification ? Dans le cadre d’un arbitrage institutionnel, est-ce que le
fait d’adopter des règles d’arbitrage prévoyant une notification par l’institution constitue un
l’accord de procéder par simple notification de la sentence ?

Une décision récente de la Cour d’Appel (18) qualifie de garantie procédurale la notification par voie d’huissier et prévoit que les parties doivent manifester leur volonté d’y renoncer de façon non-équivoque.

En conséquence, bien que le règlement d’arbitrage de la CCI ne prévoie qu’une simple notification de la sentence aux parties par le Secrétaire, le fait d’adhérer à un tel règlement ne constitue pas une renonciation non-équivoque et manifeste à la signification par voie d’huissier et ne peut suffire à constituer la notification requise légalement (19). Tout au plus, une telle notification ne fait que décharger la CCI de son obligation de notifier et ne supplée pas à celle qui pèse sur les parties (20).

En d’autres termes, dans le cadre d’un arbitrage international CCI une sentence rendue en France doit être dûment signifiée suivant la procédure française, sauf accord contraire des parties, faute de quoi aucun délai de recours en annulation devant la Cour d’Appel française ne sera déterminé (21).

b/ L’arbitrage national

Bien que le Décret prévoie que la notification de sentence issue d’un arbitrage national doit en principe se faire par voie de signification par huissier à moins que les parties n’en conviennent autrement (22), ses dispositions spécifiques aux recours ne prévoient, contrairement aux dispositions sur l’arbitrage international (vu au par. a./), la même distinction.

© Weissberg & Weissberg, 2015

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(1) Article 1482 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(2) Article 1489 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011

(3) Article 1494 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011

(4) D’après la jurisprudence constante nationale ; Article 1486 du Code de Procédure Civile tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(5) Article 1496 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011, Article 1486 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(6) Article 1518 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011

(7) Article 1504 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(8) Article 1520 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011, et 1502 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(9) Article 1519 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011, et 1505 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(10) Article 1519 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011

(11) Article 1505 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(12) Article 1526 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011

(13) Article 1506 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(14) Le « sitting judge » en anglais.

(15) Article 643 et 680 du Code de Procédure Civile

(16) Articles 1486 et 1503 du Code de Procédure Civil tel qu’adopté par le Décret N°81-500 de 1981

(17) Article 1519 du Décret N°2011-48 du 13 Janvier 2011

(18) CA Paris, pôle 1, ch. 1, 4 juill. 2013, n°12/08215

(19) Antoine KIRRY et Geoffroy GOUBIN, Un progrès en trompe l’œil : le nouveau texte sur la notification des sentences rendues en France en matière d’arbitrage international : Procédure 2014, étude 5, par. 4.

(20) CA Paris, pôle 1, Ch. 1, 6mars 2014

(21) Article 651 et ss. du Code de Procédure Civile

(22) Article 1484 du Code de Procédure Civile




La CSG-CRDS imposable sur les revenus des non résidents européens est contraire au droit européen (Fr)

Le Conseil d’Etat a rendu le 27 juillet 2015 une décision très attendue par les ressortissants français non résidents qui confirme l’arrêt De Ruyter rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) en février, considérant que les personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre ne peuvent être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus de patrimoine de source étrangère compte tenu de l’affectation de ces prélèvements au financement du système de protection social français.

Cette décision a été rendue alors que le législateur a étendu le champ d’application des
prélèvements sociaux aux revenus fonciers de source française perçus par les personnes
physiques fiscalement domiciliées hors de France dans la loi de finance rectificative de
2012.

Reste à savoir quels sont les effets de cette décision pour les personnes assujetties à la
CSG/CRDS.

Tout d’abord, contrairement à ce qui a pu être soutenu par certains parlementaires, cet
arrêt ne concerne que les résidents d’un Etat membre de l’Union européenne. La
motivation de l’arrêt est tout à fait explicite et ne permet nullement une interprétation
in extenso pour l’ensemble des non résidents.

Deuxièmement, la décision ne concerne que les contributions sociales. Par conséquent,
les français non résidents devront toujours s’acquitter de leurs revenus fonciers au titre
de leurs impôts sur le revenu dans les cas prévus par l’article 197 A du code général des
impôts.

Troisièmement et cela reste l’élément le plus important pour les contribuables français :
étant donné que l’arrêt du Conseil d’Etat expose que les prélèvements fiscaux litigieux,
entrent dans le champ du règlement du Conseil du 14 juin 1971, la disposition de la loi
de finance rectificative est donc contraire au droit européen et donc caduque.

Par conséquent, les non-résidents concernés pourront demander le remboursement des
prélèvements sociaux indûment perçus par la France en faisant réclamation à leur
administration fiscale.

Le gouvernement a très rapidement esquissé les premiers éléments de réponse quant aux effets de cette décision : Bercy entend bien faire jouer la prescription de trois ans de droit commun pour le règlement de tel litiges. En conséquence, les contribuables n’ayant pas fait leur demande avant le 31 décembre 2014 ne pourront pas se faire rembourser leurs contributions versées en 2012. Le même principe s’applique pour 2015 par rapport aux versements de 2013. De plus, certains médias annoncent que le gouvernement serait tenté de changer l’affectation du produit de la CSG sur le capital pour contourner l’arrêt de la justice européenne. Il est notamment envisagé de flécher cette recette, non plus vers le régime général de la Sécurité sociale, mais vers le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Un débat qui sera tranché dès le prochain budget de finance qui doit être voté cet
automne…

© Weissberg & Weissberg – 2015