Arrêt et commentaire de la Cour d’appel d’Aix en Provence en matière d’exequatur du 3 novembre 2009 (Fr)

Exequatur Subway 2009 : Un arrêt confirmant la jurisprudence bien établie reconnaissant l’exequatur à une sentence arbitrale américaine rendue par application d’une convention d’arbitrage acceptée par les parties.

Arrêt et commentaire de la Cour d'appel d'Aix en Provence en matière d'exequatur du 3 novembre 2009 (1)
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Le droit du crédit documentaire en Chine (Fr)

Kenneth WEISSBERG, Avocat à la Cour de Paris ; avec le concours de Xing HU, Diplômée de l’Université de Xiamen (Chine) et des Universités Paris X et Paris II

“The life and blood of international commerce ” (1) tel est le terme employé par les tribunaux anglais pour caractériser le crédit documentaire.

Le crédit documentaire peut être défini comme « l’opération par laquelle un banquier, intervenant sur l’ordre d’un acheteur pour le règlement financier d’une opération commerciale, le plus souvent internationale, promet de payer le vendeur contre remise de documents » (2).

Selon le doyen Jean Stoufflet la technique du crédit documentaire est « la plus belle réussite du commerce international en matière de mécanisme bancaire » (3).

D’autres auteurs l’ont qualifié de « véritable chef-d’oeuvre de technique bancaire » (4).

En effet, dans les affaires internationales, du fait de l’éloignement géographique des cocontractants qui souvent, ne se connaissent pas et il leur est difficile de se faire confiance à la première opération.

L’exportateur hésite à entreprendre la fabrication ou la livraison d’un produit s’il n’est pas sûr de se faire payer. De son coté, l’importateur hésite à verser des fonds à l’exportateur avant d’être sûr que l’expédition a bien été effectuée dans les délais prescrits.

Le crédit documentaire, en faisant intervenir les intermédiaires indépendants et solvables que sont les banques, constitue donc un moyen de paiement qui a l’avantage de concilier les intérêts divergents de l’acheteur et du vendeur.

Le vendeur est assuré de recevoir contre remise de certains documents, le prix qui lui est dû en raison de la livraison de la marchandise dans les délais convenus.

L’acheteur, quant à lui, ne devra payer la marchandise commandée que si elle lui a effectivement été expédiée.

À ce titre, on peut estimer que le crédit documentaire est un instrument de la confiance qui s’appuie sur le système bancaire international.

Ainsi la myriade de transactions commerciales, l’évolution des échanges internationaux font de crédit documentaire l’un des instruments les plus importants du commerce international.

Par conséquent, le développement monumental du commerce international en Chine s’accompagne nécessairement l’essor du crédit documentaire, on peut même dire qu’en Chine l’utilisation du crédit documentaire est une opération incontournable pour la réalisation des transactions commerciales avec des partenaires étrangers.

Dans le milieu des affaires internationales, le crédit documentaire a fait l’objet d’une
réglementation émanant de la Chambre de commerce internationale (CCI), organisation
privée internationale qui a élaboré des règles uniformes applicables par les commerçants
relevant de systèmes économiques et juridiques très différents. L’effectivité de ces règles a été
démontrée par la pratique et sanctionnée par la jurisprudence. Ces « Règles et Usances
uniformes relatives aux Crédits documentaires » (RUU) ont été publiées pour la première fois
en 19335. Révisées régulièrement pour suivre et accompagner les évolutions de la pratique,
leur dernière version les « RUU 600 » remplaçant la précédente version les RUU 500 datant
de 1993 est entrée en vigueur le 1er juillet 2007. Les RUU en tant que lex mercatoria reçoit
par conséquent sa pleine application en Chine du fait qu’on reconnaît le droit des parties de
choisir la règle de droit applicable dans les transactions internationales impliquant l’utilisation
du crédit documentaire.

En revanche, au niveau national, il n’existait il y a 4 ans en Chine, comme dans beaucoup
d’autres pays, dont la France, aucune disposition légale ou réglementaire régissant le crédit
documentaire. Le droit étatique chinois qui a vocation à s’appliquer pour compléter les
lacunes éventuelles des RUU est constitué par les dispositions contenues dans la Loi sur les
Principes Généraux du Droit Civil, la Loi sur les Contrats, la Loi des sûretés et la Loi de la
Procédure Civile. Cependant, du fait que ces dispositions sont généralement très floues et sont
donc susceptibles d’interprétation du juge, et que la jurisprudence n’est pas une véritable
source de droit en Chine, depuis 1995, les litiges concernant les crédits documentaires ont été
abondamment portés devant la cour populaire de la Chine.

Jusqu’en 2004, la Cour Suprême de la Chine s’est prononcé sur plus de cent affaires, sans
compter des centaines de questions relatives aux crédits documentaires posées à la Cour
Suprême par les cours inférieures. Ainsi, China Banking Regulatory Commission, les banques
commerciales ont eux aussi posé des questions sur l’exécution des jugements du tribunal
concernant les crédits documentaires, étant donné que les explications juridiques ou les
règlements émanant de la Cour Suprême constituent l’une des sources de droit les plus
importantes dans le système juridique chinois.

Eut égard à ces diverses questions soulevées dans la pratique, particulièrement s’agissant de la loi applicable au crédit documentaire, du critère de la vérification des documents, de la fraude etc., la Cour Suprême de la Chine, après avoir fait une étude globale et des discussions avec les juristes, les praticiens, les banques et les experts de la CCI en Chine, en s’inspirant des RUU500, a adopté le 24 octobre 2005 le Règlement de la Cour Suprême sur quelques questions concernant les litiges portant sur le crédit documentaire, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2006. Bien que les dispositions générales prévoyant dans les lois précitées soient toujours applicables, le Règlement fournit aux juges et ainsi aux praticiens plus d’exactitude et de précision en cas de divergence d’interprétation et complète également des lacunes sous les RUU. Néanmoins ce Règlement n’est pas dépourvu de défauts, surtout depuis l’entrée en vigueur des RUU 600.

Concernant le champ d’application du Règlement de la Cour Suprême sur quelques questions
concernant les litiges portant sur le crédit documentaire, son premier article prévoit que le
Règlement s’applique aux litiges portant sur l’émission, la notification, la modification, la
révocation, la négociation et la levée du crédit documentaire. Ici, le mot « révocation »
s’entend de l’application de Règlement aux crédits documentaires révocables. L’expression
crédit révocable désigne le crédit documentaire qui peut être amendé ou annulé par la banque
émettrice à tout moment et sans accord ni information du bénéficiaire6.

Cependant dans la pratique, les crédits révocables ont disparu depuis plusieurs années. Tirant
les enseignements de cette évolution, les RUU 600 ne font plus référence à la notion de crédit
révocable. Elaboré sous l’emprise des RUU 500, le Règlement n’a pas pris en compte de cette
évolution, ce qui donne en revanche à la banque émettrice ou confirmante la possibilité
d’assortir l’irrévocabilité de leur engagement de paiement des conditions remettant en cause
le principe même de cet engagement. Ces conditions dites des « soft clauses » auraient pour
conséquence de faire des crédits documentaires révocables et donc nuisent considérablement à
l’intérêt du bénéficiaire. En effet, seul le crédit irrévocable est une véritable garantie pour le
bénéficiaire dans la mesure où ce type de crédit constitue un engagement ferme du banquier
émetteur. La révocabilité du crédit documentaire est contraire au principe même de cette
garantie, en conséquence il serait préférable pour le Règlement de supprimer dans son champ
d’application la révocation du crédit documentaire pour être compatible avec les RUU 600 et
refléter réellement la pratique commerciale.

Le présent article se limite à présenter deux points essentiels du crédit documentaire prévues
par le Règlement qui suscitent dans la pratique plus de problèmes, à savoir la vérification des
documents (I), et la fraude du crédit documentaire (II), ainsi que quelques réflexions sur ces
points au regard des règles des RUU600.

I.- La vérification des documents

La vérification des documents est une mission essentielle du banquier dans le cadre d’un crédit documentaire. Ainsi que le relève M. Affaki, « dans une opération qui est marquée par la séparation entre le contrat commercial sous-jacent et l’intervention bancaire, le dénouement de cette intervention est fonction exclusivement de documents et non de la réalisation de faits qui peuvent y être reflétés» (7). C’est une source importante et croissante de contentieux dans la pratique du crédit documentaire. Cette situation nuisait évidemment à la sécurité de la technique. Il est apparu que plus de 70 % des premières présentations étaient irrégulières. La plupart des difficultés porte sur des questions de conformité des documents. C’est donc l’un des objets du Règlement que de réduire le plus possible les risques de rejet pour irrégularité des documents.

A.- Le critère de la vérification

L’article 5 du Règlement prévoit que la banque émettrice est tenue d’honorer son engagement pris dans le crédit documentaire lorsque les documents présentés sont conformes en apparence aux termes du crédit, et tous les documents sont apparemment compatibles entre eux. Il en ressort que le critère de la vérification des documents en Chine est le critère de la stricte conformité des documents avec les stipulations du crédit documentaire. Il est évident que le banquier ne peut pas connaître tous les usages commerciaux et en conséquence le bénéficiaire ne pourra pas lui demander de considérer comme conformes des documents qui ne sont pas strictement identiques aux stipulations du crédit.

Ainsi une banque n’a pas à interpréter la désignation d’une marchandise, même lorsque les
termes utilisés dans les documents distincts de ceux du crédit, pour des professionnels du
commerce strictement équivalents. Dans un arrêt de Cour d’appel de Guansu le 25 juin 2007,
la Cour a soutenu le refus du paiement par la banque confirmante en considérant que le nom
de la marchandise « raisins » stipulant sur la facture n’est pas conforme au nom « dried
currents » figurant dans le crédit documentaire, bien que dans le commerce international ce
soit quasiment les mêmes marchandises. Il est donc à noter que le critère de la conformité
substantielle n’a pas été retenu par la Cour populaire chinoise, ce qui est contraire à la
jurisprudence de certains pays et notamment des Etats-Unis. En conséquence l’article 5 du
Règlement limite l’obligation du banquier à un contrôle d’apparence de présentation
conforme. Il s’agit là d’une règle protectrice du banquier chargé de la vérification qui ne
profite pas au bénéficiaire.

Néanmoins, le principe de stricte conformité a été fortement atténué par le Règlement, ce qui
est également la tendance jurisprudentielle, puisque l’article 6 alinéa 2 précise que dans le cas
où l’apparente conformité des documents par rapport aux stipulations du crédit et la
compatibilité inter documentaire ne sont pas strictement satisfaites, dès lors qu’il n’y a pas
d’ambiguïté ni de contradiction entre eux, la Cour populaire peut considérer que les
documents sont conformes. Ainsi la Cour d’appel de Shanghai a cassé une décision ayant
écarté la responsabilité d’une banque émettrice vis-à-vis du bénéficiaire en qualifiant de
divergence « purement formelle » qui n’engendrait pas d’ambiguïté le fait que sur un
document de transport, les noms du destinataire de la marchandise et celui devant recevoir
notification de l’arrivée de cette marchandise, figuraient dans des cases inappropriées et ne
correspondant pas à la stipulation du crédit documentaire.

De ce point de vue, le Règlement essaie de maintenir l’équilibre entre les intérêts du banquier
et le bénéficiaire tout en préservant le principe de la stricte conformité des documents par
rapport aux stipulations du crédit. Néanmoins, des dispositions du Règlement rédigées de
façon très générale sont susceptibles d’interprétations différentes, surtout par rapport aux
RUU600 qui prévoit des dispositions détaillées par différents types de documents. En
conséquence, ces dispositions ne donnent pas de réponses claires aidant les tribunaux à
statuer.

B.- Conséquences de la non-conformité des documents

La régularisation de documents rejetés est toujours possible dès lors que le crédit n’est pas
expiré et que les irrégularités sont susceptibles de corrections. En revanche, lorsque la
régularisation des documents n’est pas possible, l’article 7 du Règlement autorise la banque
émettrice, à sa seule discrétion, de requérir l’accord du donneur d’ordre pour accepter des
documents irréguliers.

Cependant, l’autorisation de lever les documents irréguliers donnée par donneur d’ordre
n’oblige pas le banquier émetteur au paiement du crédit au bénéficiaire. Lorsque l’émetteur a
refusé la levée des documents irréguliers, la demande de paiement du bénéficiaire qui se
prévaut de l’acceptation des irrégularités par le donneur d’ordre, doit être rejetée par la cour.

Ceci est contraire à la jurisprudence française, puisque dans un arrêt de 11 mars 2003, la Cour d’appel de Paris a décidé que la banque était obligée au paiement dans des circonstances où le donneur d’ordre, déclaré entre-temps en redressement judicaire, avait donné son accord pour le paiement de documents irréguliers. Néanmoins, rappelons que la banque n’a aucune obligation de solliciter du donneur d’ordre une éventuelle levée des documents irréguliers même si celui-ci, sans être interrogé par la banque, entend accepter les documents. Le formalisme du crédit documentaire autorise le banquier, quelle que soit la position du donneur d’ordre sur l’exécution du contrat de base, à refuser d’honorer son engagement dès lors que les documents présentés au soutien de la demande ne sont pas strictement conformes aux spécifications de la lettre de crédit8.

Certains juristes chinois considèrent cependant que cet article, autorisant le banquier à refuser
les documents irréguliers même avec l’accord du donneur d’ordre, pour conséquence de nuire
aux intérêts du donneur d’ordre et du bénéficiaire, et d’alourdir considérablement le coût des
transactions internationales en mettant tout accent sur le principe de l’autonomie du crédit
documentaire. Cet article ne tient pas compte du but du crédit document, qui est d’assurer le
paiement de la transaction commerciale dont le bon déroulement et le bon résultat, but
poursuivi par les parties, à savoir le donneur d’ordre et le bénéficiaire du crédit documentaire.

II.- La fraude du crédit documentaire

La fraude est la seule exception qui puisse faire obstacle au libre jeu des mécanismes du crédit documentaire. Elle fait notamment obstacle au paiement de documents qui ont l’apparence de régularité (9). Bien que la maxime fraus omnia corrumpit soit généralement admise par tous les systèmes juridiques, en matière de crédit documentaire, la qualification de fraude et sa prise en compte sont bien fluctuantes (10) . Compte tenu des divergences relatives à la fraude entre les différents systèmes juridiques, les RUU600 laisse délibérément le problème aux droits nationaux.

Sur cette problématique qui engendre autant de difficulté que la vérification des documents
dans la pratique tant pour le banquier que pour la Cour, le Règlement éclairci donc la
qualification de la fraude du crédit documentaire et son effet vis-à-vis des banquiers, le
donneur d’ordre et le bénéficiaire. Cependant, cette qualification est discutable, selon bien des
juristes et praticiens, car sa portée considérée trop large.

A.- La large portée de la qualification de fraude

L’article 8 prévoit que la fraude est établie lorsque le bénéficiaire :

  1. contrefait ou falsifie des documents ou présente des documents dont elle savait qu’ils sont faux dès l’origine ;
  2. de mauvaise foi ne délivre pas la marchandise ou délivre la marchandise dépourvue de toute valeur ;
  3. présente de faux documents sans aucune transaction réelle avec la collusion du donneur d’ordre ou d’un tiers ;
  4. ou par d’autres fraudes concernant le crédit documentaire.

Aux termes de cet article, il est intéressant de constater qu’en énumérant des cas de figure de la fraude, il n’en donne pas la définition ni les caractéristiques, ce qui laisse entendre que l’article s’applique à toutes les fraudes prévues dans ces quatre cas de figure, contrairement à la jurisprudence américaine ou française qui exige que la fraude soit substantielle ou manifeste.

Cela aurait pour effet d’élargir le champ d’application du principe d’exception de la fraude et
d’entraîner encore plus de refus de paiement par le banquier qui pourrait facilement invoquer
la fraude, et de compromettre par conséquent l’efficacité et la rapidité du crédit documentaire.
S’agissant du premier et du troisième cas de figure, c’est-à-dire le bénéficiaire contrefaisait ou
falsifiait des documents ou présentant des documents dont il savait qu’ils sont faux dès
l’origine ; et le bénéficiaire, avec la collusion du donneur d’ordre ou d’un tiers, présentant de
faux documents sans aucune transaction réelle, on peut constater que ce sont les fraudes les
plus courantes dans la pratique, et qui sont relativement faciles à établir.

Toutefois, ce qui soulève le plus de problème est bien le deuxième cas de figure dans lequel le
bénéficiaire de mauvaise foi ne délivre pas la marchandise ou délivre la marchandise
dépourvue de toute valeur. Ici, la frontière existant entre la mauvaise exécution d’un contrat
commercial et la fraude pourrait soulever des difficultés d’appréciation. A fortiori, la
mauvaise foi du bénéficiaire est parfois difficile à démontrer. Dans un arrêt de Cour d’appel
de Tianjing le 28 novembre 2006, la Cour a retenu la responsabilité de la banque émettrice
invoquant la fraude dans les circonstances où le vendeur a délivré, à la place d’une certaine
plante médicinale sèche, la plante médicinale fraîche qui a pourri lors de son transport de
Chine en Corée, au motif que la plante fraîche correspondait tout à fait à la stipulation du
crédit documentaire qui n’a pas précisé l’état devrait être cette plante.

Il convient toutefois de noter que dans cette affaire, la mauvaise foi du vendeur aurait pu être
établie du fait que la plante fraîche n’a pratiquement pas d’effet médicinal et que le
bénéficiaire aurait dû anticiper le pourrissement possible pendant le long transport.

Quant au dernier alinéa, il regroupe toutes les autres fraudes n’ayant pas été prévues par les
trois cas de figure, ce qui laisse une large marge d’appréciation aux tribunaux. Il en ressort
que les actes qui pourraient être qualifiés de fraude ne paraissent pas bien délimités par le
Règlement et par conséquent, l’application du principe d’exception de la fraude soulève
souvent beaucoup de difficultés, l’incertitude juridique subsistant.

B.- L’effet de la fraude

L’article 9 du Règlement prévoit que la fraude prévue dans l’article 8 autorise aux banquiers
et au donneur d’ordre à demander à la Cour la suspension du paiement du crédit
documentaire. Ainsi, elle prive le bénéficiaire de ses droits au titre du crédit documentaire et
exonère la responsabilité du banquier réalisateur, que ce soit une banque émettrice,
confirmante, désignée ou négociatrice.

L’article 10 précise encore que dès lors que la fraude est constatée par la Cour, celle-ci doit prononcer la suspension ou la cessation du paiement du crédit documentaire, sauf dans les cas suivants lorsque :

  1. la banque désignée de bonne foi a réalisé le crédit documentaire en exécutant l’instruction de la banque émettrice ;
  2. l a banque émettrice ou sa banque désignée de bonne foi a accepté les documents ;
  3. la banque confirmante de bonne foi a honoré son engagement ou
  4. l a banque négociatrice de bonne foi a réalisé la négociation du crédit documentaire.

Il est donc considéré que le banquier émetteur ou confirmant est tenu de rembourser la banque
intermédiaire autorisée à réaliser le crédit documentaire si cette banque a régulièrement
réalisé, avant la découverte de la fraude, le crédit au vu de documents conformes en apparence
aux stipulations du crédit documentaire.

La fraude ouvre en conséquence un recours au banquier qui a payé le crédit documentaire et
ce, même si le banquier a commis une faute dans la vérification des documents et a payé le
crédit documentaire sans aucune réserve dès lors qu’elle n’a pas découvert la fraude avant le
paiement et était ainsi de bonne foi. Toutefois, ce qui est bien regrettable est que le texte ne
prévoit pas les cas des crédits documentaires payables à terme où la banque intermédiaire
avait payé le bénéficiaire par anticipation par rapport à la date convenue pour la réalisation du
crédit documentaire. Il convient donc d’ajouter à ce texte que le banquier qui anticipe la
réalisation du crédit documentaire le fait à ses risques et périls.

Dans le même ordre d’idée, le donneur d’ordre devra rembourser le banquier émetteur qui a
levé des documents « faux » dès lors que rien ne permettait de suspecter leur authenticité. Se
pose la question de savoir lorsque le donneur d’ordre se prévaut d’une fraude affectant les
documents d’un crédit documentaire afin de paralyser le paiement par la banque : est-ce que
la banque a obligation de refuser le paiement ? Le Règlement ne nous donnant pas de réponse,
les décisions des tribunaux sont partagées sur ce point.

***

Le Règlement de la Cour Suprême sur quelques questions concernant les litiges portant sur le
crédit documentaire fournit incontestablement aux tribunaux plus de précision et de certitude
pour statuer sur les litiges relatifs aux crédits documentaires. Néanmoins, on doit admettre
qu’il est loin d’être complet et que les RUU dans sa version actuelle reste toujours une source
de droit très importante pour les tribunaux chinois, et les jurisprudences importantes
étrangères ont également une influence considérable.

(1) Harbottle R.D. (Mercantile) Ltd. V. National Westminster Bank Ltd., (1978) Q.B. 146, (1977), 2 All. E.R.862,3 W.L.R.752.
(2) Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire : Litec 2005, 6e éd., p. 403.
(3) J. Stoufflet, Le crédit documentaire : Litec 1957.
(4) J.-P. Mattout, Droit bancaire international : Banque 2004, 3e éd., p. 259.
(5) J. Stoufflet, L’oeuvre normative de la Chambre de commerce internationale dans le domaine bancaire, in Études offertes à Berthold Goldman : Litec, 1987, p. 364 et s.
(6) RUU 500, art. 8
(7) G. Affaki, op. cit., n° 139.
(8) G. Affaki et J. Stoufflet : Banque et Droit, 2004, n°95, P62, obs.
(9) Cass.com. 4 mars 1953, S.1954-1-121, note Lescot
(10) M. Vasseur, note Cass.com. 7 avril 1987, D.S. 1987, p399




Le régime des marchés publics en Chine (Fr)

Kenneth WEISSBERG, Avocat à la Cour de Paris ; avec le concours de Xing HU, Diplômée de l’Université de Xiamen (Chine) et des Universités Paris X et Paris II

Le régime des marchés publics en Chine (1)
Le régime des marchés publics en Chine (2)
Le régime des marchés publics en Chine (3)
Le régime des marchés publics en Chine (4)
Le régime des marchés publics en Chine (5)
Le régime des marchés publics en Chine (6)
Le régime des marchés publics en Chine (7)
Le régime des marchés publics en Chine (8)
Le régime des marchés publics en Chine (9)



Le droit de la preuve en Chine (Fr)

Kenneth Weissberg, avocat au Barreau de Paris et Conseiller au Commerce Extérieur de la France
Ying Liu, Maîtrise en Droit de l’Université de Xiamen, en Chine et Maîtrise en droit des affaires de l’Université à Paris Ouest Nanterre La Défense, en France.

La preuve joue un rôle essentiel dans la procédure. Un droit n’existe que lorsque une
règle de droit le reconnaît, et que la procédure de ce droit autorise la saisine d’une
juridiction compétente pour faire respecter cette règle.

Il existe une différence importante entre la procédure chinoise et les procédures
occidentales. La répartition des pouvoirs en Chine n’est pas la même que dans les pays
occidentaux. La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, que l’on
connaît dans les pays occidentaux, n’existe pas en Chine, oùle pouvoir judiciaire y
compris celui du Parquet, et le pouvoir exécutif dépendent du pouvoir législatif.

Le système traditionnel de la procédure chinoise est inquisitoire : la maîtrise du procès est confiée au juge qui joue un rôle actif. En plus des éléments que les parties vont lui soumettre, le juge pourra rechercher lui-même des éléments de preuve afin de fonder sa propre opinion. Cependant avec l’entrée en vigueur du code de procédure civile de 2008 qui s’est inspirédu système de la procédure accusatoire(le système de justice qui s’appuie principalement sur les compétences et habiletés des avocats des parties pour défendre leur version des faits.), l’admissibilité de la preuve est devenue une question de plus en plus importante.

Le Code de procédure civile chinois promulgué le 9 avril 1991 a été modifié le 28 octobre 2007, et est entré en vigueur le 1er avril 2008 (ci-après dénommé CPCC). Dans son chapitre 6, 12 articles concernent la preuve.
Le Code de procédure pénale chinois promulgué le 17 mars 1996 est entré en vigueur le 1er janvier 1997 (ci-après dénommé CPPC). Les dispositions qui concernent la preuve sont au chapitre 5 et comptent 8 articles.

Le Code de procédure administratif chinois promulgué le 4 avril 1989 est entré en vigueur le 1er octobre 1990, son chapitre 5 comprend 6 articles concernant la preuve (ci-après dénommé CPAC).

Toutes ces dispositions étant très abstraites et d’application difficiles, la Cour
Suprême Populaire s’est fondée sur l’expérience des tribunaux et s’est inspirée des
systèmes de common law et de droit civil, pour énoncer“ les dispositions sur certains
problèmes dans l’application du code de procédure civile1”qui ont étépubliées le 6
décembre 2001, et mises en vigueur le 1er avril 2002 (ci-après dénommées
“ Dispositions de 2002”).2

Le but de ces dispositions est d’assurer l’application correcte de la loi et de garantir
aux citoyens l’exercice de leurs pouvoirs.

La première partie de cet article concernera une présentation générale du régime juridique de la preuve en Chine, essentiellement en matière civile. La deuxième partie consistera àanalyser les particularités de la preuve en matière administrative et pénale.

I. Le régime général de la preuve en matière civile

A. La charge de la preuve

A l’instar du droit français, la charge de la preuve en Chine incombe aux parties qui doivent prouver les faits à l’appui de leur prétention.
Selon l’article 64 du CPCC :

Il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Si pour des raisons objectives, les parties et leurs mandants ne peuvent pas recueillir les preuves eux-mêmes, lorsque le tribunal considère que cela est nécessaire pour la résolution du litige, il doit enquêter et recueillir les preuves.

Le tribunal populaire doit enquêter et vérifier les preuves objectivement dans leur ensemble, conformément à la procédure prévue par la loi.

L’article 65 du CPCC précise :

le tribunal a le pouvoir d’enquêter envers les personnes morales et les personnes physiques ; les personnes concernées n’ont pas le droit de refuser.

Les parties ont l’obligation de prouver le préjudice dont elles réclament réparation. En principe, la charge de la preuve pèse sur le demandeur, car celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libérédoit justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon l’article 4 des Dispositions de 2002, c’est le défendeur qui doit alors prouver que
la prétention du demandeur n’est pas fondée. L’article 4 énumère huit cas en matière
délictuelle, par exemple s’agissant d’une obligation de réparation en matière de
pollution de l’environnement, il incombe au défendeur de prouver qu’il bénéfice d’une
exonération prévue par la loi, de l’absence du fait générateur de responsabilité, ou de
l’absence de lien de causalité.

En droit français, en matière civile, le juge est passif : les parties doivent fournir les
preuves de leurs prétentions et le juge doit uniquement apprécier leur pertinence. Il ne
peut en rechercher lui même de nouvelles, ni les compléter. Par contre, en droit chinois,
le rôle du juge n’est pas passif. Il est expressément énoncé dans l’alinéa 2 de l’article 64
CPCC, que lorsque le tribunal considère que cela est nécessaire pour la résolution du
litige, il doit enquêter et recueillir les preuves. L’article 7 des Dispositions de 2002
prévoit que, en l’absence de règlement, il incombe au tribunal de déterminer la
charge de la preuve conformément au principe d’égalité et au principe d’honnêteté et
de loyauté.

Au début, cette règle a posé beaucoup de problèmes, il arrivait souvent que le tribunal se substitue aux parties et recueille les preuves à leur place, ce qui posait la question de la légalité et de l’admissibilité des preuves que le tribunal obtenait en excédant ses pouvoirs. La loi était muette sur cette question. Heureusement, avec les Dispositions de 2002, cette question a été résolue, l’article 15 a limité à deux cas dans les quels le tribunal peut recueillir la preuve :

  1. les faits susceptibles de nuire àl’intérêt de l’Etat, l’intérêt général ou
    l’intérêt légitime des autres ;

  2. les motifs procéduraux concernant la suspension du procès, la cessation
    du procès et la récusation.

En dehors de ces deux cas, le tribunal peut recueillir les preuves à la demande des parties, soumises au secret d’Etat ou au secret professionnel.

B. Modes de preuve

Le nouveau code de procédure civile définit les modes de preuve dans une liste
limitative en son article 63 :

  1. La preuve par écrit
  2. La preuve matérielle
  3. L’enregistrement sonore et audiovisuel
  4. Le témoignage
  5. La déposition des parties
  6. Le rapport d’expertise
  7. Le constat du juge
  1. La preuve par écrit : la preuve littérale ou preuve par écrit résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres, ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible quelles que soient leurs langues d’origines, y compris l’acte authentique et l’acte sous seing privé.
  2. La preuve matérielle : c’est l’objet lui-même qui prouve les faits juridiques par sa figure, son poids, sa spécification ou tous autres signes ou symboles. S’agissant de litige sur la qualitédes constructions, le bâtiment qui a étéconstruit constitue bien une preuve matérielle.
  3. L’enregistrement sonore et audiovisuel : il contient l’enregistrement du son, l’enregistrement vidéo, les données sauvegardées sur ordinateur. C’est un nouveau mode de preuve, la plupart des systèmes juridiques le considèrent comme une preuve traditionnelle par écrit, mais en droit chinois, il est un mode de preuve indépendant. Le critère de la recevabilitéde la preuve est énoncédans l’article 68 des Dispositions de 2002, la preuve qui a étéobtenue par des moyens nuisibles aux droits et intérêts légitimes des autres ou contraires àla loi est irrecevable. La preuve constituée par un enregistrement dans un endroit public est admissible.
  4. Le témoignage : Il consiste de la part d’un témoin àvenir déclarer devant la justice ce qu’il a personnellement vu ou entendu.

La déposition des parties connaît deux cas de figure :
–l’explication des parties sur les faits d’une affaire,
–l’aveu d’une partie concernant les faits d’une affaire dénoncés par l’autre partie est recevable, il consiste pour une personne à reconnaître un fait qui lui est défavorable. Il faut cependant souligner que l’aveu d’un fait ne signifie pas consentement à la prétention de l’autre partie.

Le rapport d’expertise :
l’expertise est une mesure d’investigation technique ou scientifique qu’un juge confie à un expert à la demande des parties. Elle a pour finalité l’aide à la décision. La demande d’un expert est à la fois un droit pour les parties à la procédure, et une obligation de la charge de la preuve. Les parties ont le droit de faire opposition à un rapport d’expertise émis par l’expert choisi par le tribunal.

Un constat du juge :
L’investigation effectuée par le juge sur le lieu ou sur les objets du litige, soit àla demande des parties, soit de sa propre initiative.

II. Les particularités en matière administrative et pénale

A. En matière administrative

Le Code de procédure administrative chinois promulgué le 4 avril 1989 est entré en vigueur le 1er octobre 1990 (ci-après CPAC qui comprend 75 articles en total), ses principales particularités sont :

  1. Dans un procès administratif, le défendeur est le département administratif et ses fonctionnaires.
  2. La réclamation du demandeur ne peut porter que contre un comportement administratif concret, c’est-à-dire un comportement unilatéral effectuépar un département administratif envers un citoyen, une personne morale ou tous les autres organes déterminés lors de l’exercice de ses pouvoirs administratifs.
  3. La conciliation n’est pas applicable en matière administrative.

La charge de la preuve en matière administrative, incombe à l’administration(le défendeur). Celle-ci doit prouver un comportement administratif concret dans un délai de dix jours à compter de la réception de la requête. Par contre, le CPAC n’avait pas précisé les cas d’absence de preuve de la part du département administratif ou la preuve présentée passé le délai de dix jours sans motif justifié. La cour suprême populaire a expliqué que dans un tel cas, on estime le comportement administratif concret en cause dépourvu de motif justifié; il en résulte la défaillance du département administratif. Si pour une raison objective ou en cas de force majeure, le défendeur n’arrive pas à établir la preuve, il a le droit de demander un prolongement de délai de dix jours. Pendant le procès, le défendeur ne peut pas recueillir lui-même la preuve du demandeur ou du témoin.

Bien que le CPAC ait expressément stipulé que la charge de la preuve incombait au défendeur, il n’exclut pas que, le cas échéant, la charge de la preuve puisse incomber au demandeur. Le demandeur doit alors prouver :

  1. Qu’il a rempli les conditions d’accusation.
  2. Concernant une affaire dans laquelle le défendeur n’a pas agi, il n’a pas rempli son obligation de faire. Il incombe au demandeur de prouver qu’il a bien déposé une demande. Il faut distinguer entre le fait qu’il n’agit pas et le fait qu’il a rendu une décision négative. Dans le cadre d’une décision négative, on considère que le département administratif a déjà agi.
  3. S’agissant d’une obligation de réparation, celui qui réclame indemnisation (le demandeur) doit prouver le préjudice qu’il a subi.

B. En matière pénale

Les principes de la preuve en matière pénale sont différents de ceux applicables en matière civile.
D’abord, concernant la répartition du pouvoir judiciaire, qui est défini à l’article 3 du code de procédure pénale, le pouvoir judiciaire est réparti entre les organes de la sécurité publique chargés de l’enquête préparatoire et de la détention préventive. Il a le pouvoir de prendre l’initiative de l’action publique, et il est chargé de l’enquête pour toutes les autres infractions sous la direction du parquet ; le tribunal assume la fonction de juger. En effet, dans le système actuel chinois, les organes d’enquête ont des pouvoirs considérables, ils ont le pouvoir de décider et d’exécuter toute mesure d’enquête telles que la perquisition, la saisie, la surveillance de résidence, la liberté sous caution, et la garde à vue (sauf l’arrestation et la détention subséquente) sans autorisation préalable du parquet ou du tribunal.

Ensuite, une grande partie des dispositions de la preuve du code de procédure pénale concerne les modalités d’obtention de la preuve. Les autres parties, qui concernent les dispositions sur la présentation de la preuve, la communication des pièces, la validité de la preuve et l’efficacité de la preuve sont très difficiles à appliquer directement en pratique. C’est la raison pour laquelle sont apparues de nombreuses dispositions publiées par différentes autorités, par exemple «Les dispositions sur certains problèmes dans l’application du Code de procédure pénale » du 19 janvier 1998, énoncées conjointement par la Cour suprême populaire, le Parquet suprême populaire, le Ministère de la sécurité publique, le Ministère de la sécurité d’Etat, le Ministère de la Justice et la Commission chargé du travail juridique du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire. Ces dispositions sont très nombreuses et manquent de cohérence entre elles.

Enfin, la comparution comme témoin devant un tribunal, consiste de la part d’un témoin à venir déclarer devant le tribunal lors d’une audience ce qu’il a personnellement vu ou entendu, et à être interrogé par les parties ou ses avoués selon la procédure prévue par la loi. Cependant, cette procédure fonctionne mal en pratique, et la présence du témoin constitue une grande difficulté. En raison du manque de dispositions concernant la protection des témoins, leur taux de présence est extrêmement faible ; néanmoins le témoignage est beaucoup utilisé à l’audience. L’article 157 du code de procédure pénale chinoise énonce:“le témoignage d’un témoin absent doit être lu à haute voix en audience.” Il en résulte que les parties ne peuvent pas les interroger et que le juge est en situation difficile pour vérifier la sincérité de ce témoignage. La conséquence en est que l’audience reste très formelle et perd beaucoup de son intérêt, le juge rend son jugement sur la base des documents papiers qui lui sont remis.

En conclusion, non seulement en matière de preuve, mais aussi d’une manière générale, la procédure pénale chinoise, même si elle a considérablement évolué ces dernières années et connu beaucoup de progrès, a encore beaucoup de progrès à faire pour atteindre le degré de fiabilité des pays occidentaux.

***

1 De même en matière administratif et pénale,
Dispositions sur certains problèmes dans l’application du code de procédure administrative du 4 juin 2002, mises en vigueur le 1er octobre 2002.
Dispositions sur certains problèmes dans l’application du code de procédure pénale du 29 juin 1998, mises en vigueur le 8 septembre 1998.
2 Selon une décision concernant l’abrogation des dispositions publiées avant fin 2007(7ème) de la Cour Suprême Populaire du 8 décembre 2008, les articles 136, 205, 206, 240, 253,299 des dispositions de 2002 ont été supprimés en raison de la modification en 2008 du CPCC, la partie qui concerne la preuve reste en vigueur.




Le code pénal et la procédure pénale chinoise (Fr)

Le nouveau Code pénal chinois entré en vigueur le 1er octobre 1997 a été révisé le 28 février
2009 par l’amendement VII, et le Code de procédure pénale chinois promulgué le 17 mars
1996 est entré en vigueur le 1er janvier 1997. Les dispositions générales de ces Codes
précisent que le but est d’assurer l’exactitude dans l’établissement des faits incriminés,
l’application correcte de la loi, la punition des criminels et la protection des personnes
innocentes afin de sauvegarder le système juridique socialiste et de garantir aux citoyens la
protection des droits de la personne, du droit de propriété, des droits démocratiques et d’autres
droits, et d’assurer la sécurité publique économique et sociale et le développement de la cause
socialiste..

La loi pénale chinoise s’applique aux infractions commises sur le territoire national et à
certaines infractions commises à l’étranger. L’étendue de la compétence extraterritoriale est
déterminée par la nationalité du délinquant et la nature de l’infraction.

En matière de contrefaçon et de falsification de monnaie ou de titres négociables, de corruption, de violation des secrets d’Etat, d’usage de la fausse qualité de fonctionnaire, les nationaux sont toujours punissables lorsque les faits sont commis à l’étranger.

En dehors de ces cas, les nationaux peuvent également être poursuivis pour des agissements perpétrés à l’étranger, cependant ils pourraient bénéficier d’une exemption lorsque la peine maximale prévue par la loi chinoise est inférieure à une peine de trois ans d’emprisonnement.

Le Code pénal chinois ne s’applique aux infractions commises par les étrangers en dehors du territoire chinois que lorsque les agissements reprochés ont porté atteinte à la République ou aux ressortissants chinois, qu’ils sont réprimés par la loi du lieu de commission, et que la peine minimale prévue par la loi chinoise est une peine de trois ans d’emprisonnement.

Lorsque la loi pénale a une application extraterritoriale, les juridictions nationales ont
compétence même lorsque les faits ont été jugés par une juridiction étrangère. Mais si la peine
prononcée a été exécutée à l’étranger, les juridictions chinoises ont la faculté soit de réduire la
peine encourue soit de prononcer une exemption de peine.

En ce qui concerne l’application de la loi pénale dans le temps, l’art. 12 du Code pénal
consacre le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle en exigeant que les agissements
reprochés ne soient punis qu’à condition d’être incriminés par la loi applicable au moment des
faits. Ce principe est atténué, comme dans la plupart des systèmes juridiques modernes, par la
rétroactivité in mitius qui permet à tout accusé de bénéficier de plein droit de l’application des
dispositions de la loi nouvelle plus douce.

Les éléments constitutifs de l’infraction en Droit chinois sont les mêmes qu’en Droit français. On retrouve l’exigence d’un élément légal, d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.

L’élément intentionnel a une grande importance en droit pénal chinois car il détermine la classification des infractions. Au lieu de la classification tripartite du Droit français, on ne connaît que deux catégories d’infractions en Droit chinois; d’une part, les infractions intentionnelles et d’autre part, les infractions non intentionnelles.

Les infractions mineures équivalentes aux contraventions selon la classification française, sont qualifiées d’infractions « administratives » et ne relèvent pas de la compétence des Tribunaux.

Cette présentation sommaire du système chinois, se limitera à la description des principales
caractéristiques du Droit Pénal et aux éléments importants de la procédure applicable.

I. – Les principales caractéristiques du Droit Pénal chinois

Le Droit Pénal chinois repose sur une conception particulière de la notion d’ordre public et sur
un système de responsabilité classique.

A. – La notion d’ordre public

1. – En Droit Pénal général

En Chine la notion d’ordre public couvre à la fois l’ordre public tel qu’il est conçu par la
plupart des pays occidentaux, et la protection de l’idéologie socialiste.

L’ordre public au sens traditionnel du terme est protégé en Chine par plusieurs catégories d’infractions dont les infractions contre les droits personnels et démocratiques des citoyens, les infractions contre la sécurité publique, les atteintes aux biens, les infractions contre l’ordre public. Certains agissements qui relèvent de la responsabilité civile en France sont pénalement sanctionnés du fait de l’importance qui leur est accordée dans la tradition chinoise.

Tel est le cas par exemple de la cohabitation avec l’épouse d’un militaire en service ou encore de la non- assistance à des parents nécessiteux ou malades.

Aucune disposition du Code ne sanctionne les délits politiques ni les délits d’opinion.

Mais la protection de l’idéologie socialiste est assurée par l’incrimination d’agissements portant atteintes à la sécurité de l’Etat.

Sont réprimés à ce titre tous les agissements ayant pour but le renversement le régime socialiste et ceux portant atteintes à la souveraineté, à l’intégralité territoriale et à la sécurité de la République Populaire de Chine. Les articles 102 à 113 du Code pénal énumèrent de façon non limitative ces actes parmi lesquels figurent: l’incitation à la désertion, l’espionnage et l’incitation des masses à la révolte.

2. – En droit Pénal des affaires

Le Code pénal chinois sanctionne divers agissements au titre de la protection de l’ordre
économique socialiste. On retrouve parmi ces agissements, la fraude financière, la fraude
fiscale et douanière, la contrebande et la violation des droits des propriété intellectuelles et
industrielles.

Certaines activités économiques parfaitement légales dans la plupart des systèmes juridiques modernes peuvent être jugées attentatoires à l’ordre économique socialiste.

En 1988, un contrat d’importation de télévision, conclu entre une société française et une filiale du ministère chinois de l’aéronautique apparemment compétent en la matière, a été considéré comme une vaste fraude portant atteinte à l’économie du pays.

L’agent commercial employé par la société française, qui avait perçu une commission et reçu un important dépôt de garantie pour le compte de son employeur a été incarcéré pour contrebande et malversations.

Il encourait la peine capitale car, étant de nationalité chinoise, il ne pouvait bénéficier du traitement de faveur réservé aux expatriés. Les autorités chinoises ayant participé à la signature du contrat ont été démises de leurs fonctions et également incarcérées pour contrebande. La société française n’a pas été inquiétée, et la transaction commerciale n’a pas été remise en cause à son égard.

B. – Le système répressif

La responsabilité pénale et les sanctions prononcées dépendent de la personnalité du
délinquant et de la gravité des faits.

1. – La responsabilité pénale

En Chine, la majorité pénale est fixée à 16 ans.

Mais les mineurs de 14 ans sont punissables pour certaines infractions considérées comme portant gravement atteinte à l’ordre public, comme l’homicide volontaire, les blessures graves, le viol et le trafic de drogue etc.

Les peines encourues sont alors inférieures à celles prévues par la loi. Les sourds-muets et aveugles bénéficient également de cette atténuation.

Comme dans la plupart des systèmes juridiques, les malades mentaux qui n’ont pas eu
conscience de la portée de leurs agissements sont pénalement irresponsables.

De même la force majeure et la légitime défense sont exonératoires de responsabilité.

En toute hypothèse, l’art. 3 du Code pénal prévoit que les infractions non intentionnelles ne
sont punissables que dans les cas prévus par la loi.

La plupart des infractions non intentionnelles sont sanctionnées mais les peines encourues sont beaucoup moins importantes.

Par exemple en matière d’homicide volontaire, la peine encourue est la mort, l’emprisonnement à vie ou un emprisonnement ne pouvant être inférieur à 10 ans. Si des circonstances atténuantes sont retenues la peine va de 10 ans d’emprisonnement à 3 ans (article 232 du code pénal). Par contre lorsque l’homicide est involontaire la peine va de 3 à 7 ans d’emprisonnement. Si des circonstances atténuantes sont

retenues, la peine va de 3 ans à 6 mois d’emprisonnement (article 233 et 45 du Code Pénal)
Pour toute infraction, l’accusé peut bénéficier de circonstances atténuantes, la principale cause
d’atténuation voire d’exemption de peine en cas d’infraction mineure étant la reddition
volontaire.

2 – Les sanctions pénales

Le Code Pénal chinois prévoit cinq peines principales et trois peines accessoires.

Les peines principales sont les suivantes:
(i) la mise sous surveillance de trois mois à deux ans, peine non privative de liberté qui oblige le condamné à présenter des rapports sur ses activités et
à obtenir une autorisation pour tout déplacement;
(ii) la détention d’un mois à 6 mois qui se déroule dans une maison de détention où le condamné exerce une activité rémunérée;
(iii) l’emprisonnement de 6 mois à 15 ans;
(iv) l’emprisonnement à perpétuité;
(v) la peine de mort qui est encourue depuis 1982 pour des infractions économiques.
Elle peut être assortie d’un sursis à exécution de deux ans pendant la durée duquel le délinquant bénéficie d’une «réformation par le travail » et peut, s’il ne commet aucun autre crime volontaire, obtenir que sa peine soit commuée en une peine d’emprisonnement à perpétuité ou d’une durée de 15 à 20 ans.

Les Tribunaux populaires peuvent à titre accessoire, prononcer soit une peine d’amende soit la privation des droits politiques pendant une durée de un à cinq ans, soit encore la confiscation totale ou partielle des biens.

II. – La procédure pénale

Le pouvoir judiciaire est réparti par l’art. 3 du Code de procédure pénale entre les organes de
la sécurité publique chargés de l’enquête préparatoire et de la détention préventive, les
parquets populaires qui approuvent l’arrestation, contrôle sa légalité et mettent en oeuvre
l’action publique, et les Tribunaux. Nous n’aborderons que les dispositions relatives à
l’arrestation et la détention et les principes directeurs du procès.

A. – Les dispositions relatives à l’arrestation et à la détention.

L’organe de sécurité publique qui souhaite procéder à une arrestation doit obtenir l’autorisation du Tribunal ou du Parquet.

En cas de refus, il peut demander un réexamen.

C’est également le seul pouvoir dont il dispose lorsque le Parquet refuse d’engager des poursuites pénales suite à une enquête préliminaire.

En cas d’urgence, l’organe de sécurité publique peut détenir des personnes surprises en flagrant délit ou suspectées de crimes graves, sans y avoir été autorisé.

Dans ce cas, il doit en informer le parquet dans les trois jours et si ce dernier n’autorise pas l’arrestation, dans les trois jours, la personne détenue doit être immédiatement libérée.

La détention pendant l’enquête préliminaire ne peut excéder deux mois. Si l’enquête ne peut
être clôturée à l’issue de ce délai, le Parquet peut accorder un délai supplémentaire d’un mois.

Tel était le cas dans l’affaire du contrat d’importation, précédemment mentionnée.

L’agent commercial a été détenu pendant 12 mois sans qu’aucun chef d’inculpation ne soit retenu par le Tribunal populaire. Une première inculpation pour malversations a été transmise au Tribunal après 4 mois de détention. Le Tribunal l’ayant rejetée pour insuffisance de preuves, une nouvelle inculpation a été présentée 3 mois plus tard.

Malgré le rejet de ce second chef d’accusation, seule une libération « sous garantie pour soins médicaux » a été obtenue 5 mois plus tard. Cette libération a été rendue possible en raison de l’acquisition de la nationalité française par le détenu en sa qualité de conjoint d’une ressortissante française.

B – Les principes directeurs du procès.

Tout accusé doit avoir communication de l’acte d’accusation au plus tard dix jours avant la date d’audience.

Le droit à la défense est affirmé par le Code de procédure pénal, de plus la loi de 2001 et de 2008 concernant l’exercice de la profession juridique ont réaffirmé et renforcé les droits des avocats dans la procédure pénale pour assurer la défense pénale de leur client.

La procédure pénale est accusatoire, le débat se déroulant entre l’accusé, le procureur et
éventuellement la partie civile. Les modes de preuve usuels sont reconnus et l’aveu de l’accusé
n’a pas à lui seul de valeur probante. Les enregistrements magnétiques, qui sont d’usage très
courant en Chine, ont force probante même lorsqu’ils ont été effectués à l’insu de
l’interlocuteur.

La présomption d’innocence n’est pas reconnue par le Code de procédure pénale. Le défenseur
de l’accusé a la faculté de fournir des preuves dans le but de faire reconnaître son innocence.
Dans la pratique, les avocats du prévenu sont souvent désignés par le Tribunal. Ils ont pour
mission d’encourager leur « client » à reconnaître les faits afin de faciliter la manifestation de
la vérité et de bénéficier de l’indulgence des juges.

En toute hypothèse, lorsque les juges délibèrent séance tenante, ils ont l’obligation de
communiquer le jugement aux parties dans les cinq jours. Par contre lorsque la décision est
renvoyée à une audience ultérieure, des copies du jugement doivent être délivrées aux parties
séance tenante. Le délai d’appel ne court qu’à compter de la réception du jugement.

Conclusion

Nonobstant la relative indépendance des juges vis-à-vis du Parquet, l’expérience a montré qu’en matière de crimes économiques, il est difficile pour les inculpés d’établir leur bonne foi.

Il est donc vivement recommandé aux entreprises occidentales qui traitent des affaires mettant en jeu des sommes considérables de s’assurer de la légalité des opérations envisagées, tout particulièrement lorsqu’elles ont recours à des intermédiaires nationaux.

Une consultation juridique émanant de l’un des grands cabinets d’affaires chinois de la place est donc une exigence impérative, préalablement à la conclusion de tout accord.

Depuis ces dix dernières années on assiste à un important débat sur les infractions portant sur la sécurité d’Etat, le Droit Pénal des affaires, la peine capitale et les droits des accusés dans la procédure pénale, tous ces débats ont eu certaines conséquences positives sur la législation du droit pénal.

Il est donc important de noter que le droit pénal chinois a considérablement évolué et a connu beaucoup de progrès, on ne peut qu’espérer qu’il répondra tant aux exigences de l’évolution sociale de la Chine qu’à celles des échanges internationaux.