Choix de la juridiction la plus efficace en matière d’accident aérien (Fr)

INTRODUCTION

Les progrès techniques dans le domaine des transports s’amplifient, parallèlement, le contentieux en matière de droit aérien évolue.

Devant cette évolution, le droit est destiné à régir ce mode de transport.

L’opposition réside dans le fait que le droit est national, interne, alors que l’aviation a une
vocation internationale, ce qui pose le problème des conflits des lois ainsi que de toutes les
questions relatives à la responsabilité des transporteurs aériens.

La dernière catastrophe aérienne du 25 juillet 2000, celle du Concorde, est l’illustration
tragique de ce que peuvent représenter le progrès technique et l’évolution de ce contentieux.

S’agissant de l’affaire du Concorde, se pose le problème de savoir quelles juridictions vont
être compétentes, l’intérêt étant que le montant de l’indemnisation peut varier d’un pays à
l’autre.

Les avocats des ayants droit des victimes souhaitent par conséquent obtenir des sommes
proches des dommages et intérêts obtenus par les victimes des accidents aux États-Unis,
généralement beaucoup plus élevés que ceux versés dans le reste du monde.

L’évolution du préjudice varie donc en fonction des juridictions et du droit applicable.

Ainsi, dans le cas de l’accident du Concorde, selon l’article 28 de la Convention de Varsovie
de 1929, quatre juridictions peuvent être saisies : celle du lieu du départ de l’avion, celle du
lieu de destination, celle du lieu d’émission du billet et celle du lieu de résidence du
transporteur.

La Nouvelle Convention de Montréal de 1999 prévoit comme juridictions compétentes le lieu du domicile des victimes.

Le coût de l’accident du Concorde, quant à lui, pourrait atteindre 350 millions de dollars,
selon un expert de l’Institut de l’Information de l’Assurance basé à New York. (Le Monde 27
juillet 2000).

L’on voit ainsi que les conséquences du choix de fonder telle ou telle compétence est de taille,
compte tenu des enjeux financiers que représentent l’indemnisation des victimes.

A l’inverse, pour les accidents aériens qui se seraient produits dans un pays du Tiers Monde,
l’indemnisation ne serait pas la même, (le 30 janvier 2000, le vol de Kenya Airways qui
effectuait la liaison Abidjan – Lagos – Nairobi s’est écrasé peu après son décollage de
l’aéroport d’Abidjan), et le montant maximum proposé par la compagnie aérienne s’élève à
20 000 $ de dommages et intérêts.

Parler du régime de responsabilité en matière de transport aérien implique naturellement de
parler de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, et d’en rappeler ses principes, tant
en ce qui concerne les règles de compétence applicables que ce qui concerne le régime de
responsabilité en matière de preuve.

I- REGLES APPLICABLES EN MATIERE DE DROIT AERIEN SOUS LA CONVENTION DE VARSOVIE :

A. REGLES DE COMPETENCE

La notion de transport aérien international est définie à l’article 1er de la Convention de
Varsovie. La Convention de Varsovie permet en son article 28 que l’action en responsabilité
soit portée, au choix du demandeur, que dans des lieux préétablis, à savoir :
– Le Tribunal du domicile du transporteur

– Le siège principal de son exploitation
– Le lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat de transport a été établi
– Le Tribunal du lieu de destination

Cette action doit être intentée sous peine de déchéance, dans un délai de deux ans, à compter
de l’arrivée à destination, ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt de transport
(article 29).

B. REGIME DE RESPONSABILITE

La Convention de Varsovie pose de même les principes de responsabilité, à savoir que le
transporteur aérien est présumé responsable (article 17) du dommage survenu, “en cas de
mort, de blessures ou de toutes autres lésions corporelles subies par un voyageur, lorsque
l’accident qui a causé un dommage s’est produit à bord de l’aéronef, ou au cours de toute
opération d’embarquement ou de débarquement”.

De ce fait, pour déclencher la présomption de responsabilité du transporteur, la victime ou ses
ayants-droits devra simplement prouver qu’elle a subi un dommage (consécutif à un accident),
et que celui-ci est survenu à bord de l’aéronef au cours des opérations d’embarquement ou de
débarquement.

Le transporteur ne pourra pas échapper à la présomption de responsabilité hormis la faute de la personne lésée (article 21), sauf s’il prouve que lui-même et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre (article 20).

C. NOTION DE FAUTE INEXCUSABLE ET MONTANT DE LA REPARATION

Les limites de réparation en cas de mort accidentelle ou de blessures des passagers actuellement prévus par la Convention de Varsovie sont de 125 000 Francs-or par personne (environ 10 000 $ U.S ou 62 000 FF).

Toutefois, par une convention spéciale avec le transporteur, le passager pourra fixer une limite
de responsabilité plus élevée (article 22.1). Cette limite a été portée à 250 000 Francs-or
(environ 20 000 $ US ou 124 000 FF) par le Protocole Additionnel à la Convention de
Varsovie, dit «Protocole de La Haye» (entré en vigueur le 1e août 1963).

De même, il est possible que le plafond prévu par la Convention de Varsovie soit dépassé,
pour ainsi permettre à la victime d’obtenir l’entière réparation de son préjudice.

Cette faculté résulte de l’article 25 de la Convention de Varsovie qui précise que si une faute
inexcusable (la faute inexcusable ayant été interprétée par la Jurisprudence comme une faute
objective) peut être reprochée au transporteur ou à ses préposés (agissant dans l’exercice de
leurs fonctions), les limites de la responsabilité de l’article 22 ne s’appliquent pas.

Devant l’impossibilité d’aboutir à un accord international, nombreux sont les Etats qui ont,
pour le transport aérien intérieur, augmenté ces plafonds. C’est par exemple le cas de la
France qui a établi le plafond de responsabilité à 750 000 FF (article L 322-3 du Code de
l’aviation civile), ou encore celui des Etats-Unis et du Japon qui ne prévoient aucune
limitation de responsabilité.

II- REGLES APPLICABLES EN MATIERE DE DROIT AERIEN SOUS LA CONVENTION DE MONTREAL :

Le Conseil de l’Organisation de l’Aviation Civile International s’est réuni à Montréal en
1999, pour préparer une nouvelle Convention, afin de remplacer la Convention de Varsovie
de 1929.

L’objectif de la nouvelle convention n’est pas seulement d’abandonner la convention de 1929,
mais également de présenter un nouvel ensemble de règles régissant la responsabilité du
transporteur aérien.

A. NOUVELLES DISPOSITIONS EN MATIERE DE COMPETENCE

Parmi les nouveautés de la nouvelle convention de Montréal, figure l’élargissement des quatre
juridictions de l’article 28 de la Convention de Varsovie.

En effet, elle introduit une nouvelle juridiction qui est celle du lieu où le passager a sa
résidence principale ou permanente, si le transporteur exerce ses activités directement ou par
l’intermédiaire d’un partenaire commercial dans le ressort de cette juridiction.

Ainsi, l’article 33 de la nouvelle Convention dispose : «En ce qui concerne le dommage
résultant de la mort ou d’une lésion corporelle subie par un passager, l’action en

responsabilité peut être intentée …sur le territoire d’un Etat partie où le passager a sa
résidence principale et permanente au moment de l’accident et vers lequel ou à partir duquel
le transporteur exploite des services de transport aérien…»

Le résidence principale et permanente désignant le lieu unique de séjour fixe et permanent du
passager au moment de l’accident. La nationalité du passager n’étant par le facteur
déterminant à cet égard.

Cependant, cette cinquième compétence est optionnelle et n’est applicable que sous trois
conditions cumulatives de résidence, d’exploitation et de présence.

B. NOUVELLES DISPOSITIONS EN MATIERE DE RESPONSABILITE

A été d’autre part introduite la notion de responsabilité pour risque ou objective («strict
liability»), pour les accidents, au sens de l’article 17. Dans le régime retenu, le plaignant est
sûr d’obtenir, dans la limite indiquée, réparation du dommage qu’il aura subi, puisque le
transporteur ne pourra invoquer de chefs d’exonération hormis la faute de la victime (article
20).

S’il désire une réparation supplémentaire, il lui faudra affronter le transporteur, qui pourra
alors, prouver le fait que le dommage ne résulte pas de sa négligence (article 21-2-a). De plus,
l’action en dommages et intérêts ne peut être intentée que dans les conditions et les limites de
responsabilité prévues par la Convention.

Ces différentes dispositions réaffirment le principe de l’exclusivité de la Convention de
Varsovie pour toutes les demandes de réparation associées au Contrat de transport, à une
époque où les tribunaux ont parfois tendance à vouloir appliquer la loi nationale.

On assiste donc à une évolution du contentieux en matière de droit aérien, contentieux qui se
traite sur un mode international. Dans le même temps, se produit une unification du droit des
transports, matérialisée par la naissance d’une nouvelle convention, la convention de
Montréal, destinée à apporter des solutions à ce même contentieux.